Peine maximale requise en appel contre Jérôme Kerviel

L'accusation a requis mercredi cinq ans de prison fermes contre l'ancien trader de la Société générale Jérôme Kerviel, jugé en appel pour une perte historique de 4,9 milliards d'euros en 2008, la peine maximale pour "abus de confiance"...

"Votre décision devra se montrer exemplaire et dissuasive, n'en déplaise à tous ceux qui voient en Jérôme Kerviel une victime de la finance et de l'appareil judiciaire. (...) Il n'est victime que de lui-même", a dit l'avocat général Dominique Gaillardot dans son réquisitoire.

Au terme d'un mois de procès, il a rappelé par ailleurs que la jurisprudence imposait en l'état d'exiger du prévenu le remboursement de la totalité du préjudice, même s'il ne pouvait pas le payer. L'avocat général a cependant dit s'en remettre à la cour pour une éventuelle évolution sur ce point.

En première instance en 2010, Jérôme Kerviel, détenu durant 38 jours déjà pendant l'enquête, avait été condamné à cinq ans de prison, dont trois fermes et deux avec sursis, ainsi qu'au remboursement du préjudice en totalité.

Le jeune homme de 35 ans admet avoir pris des positions vertigineuses de 30 milliards d'euros en 2007, puis de 50 milliards en 2008, en les masquant par d'autres ordres fictifs censés couvrir le risque. Il admet aussi avoir répondu par des faux courriels aux interrogations sur son travail.

Après avoir soutenu à son premier procès que sa hiérarchie était au courant, il est passé à une autre version en appel. La banque l'aurait laissé perdre, couvrant ses pertes au sein d'un "desk occulte", dans l'idée de lui imputer les pertes qu'elle prévoyait sur les "subprimes", produits financiers liés aux crédits immobiliers américains à risque.

Aucune preuve n'a été présentée. Pendant trois heures de réquisitoire, l'avocat général s'est employé à démontrer que Jérôme Kerviel, à ses yeux un "pervers manipulateur", avait bien agi seul en trompant la Société générale. Il a aussi longuement argumenté contre un courant de pensée populaire en France, le présentant en bouc émissaire de la finance.

"Ce n'est pas le système financier, ni le système bancaire, ni même la Société générale que l'on juge", a dit le magistrat.

Il a largement évoqué les problèmes de contrôle à la Société générale, qui avait négligé plus de 70 alertes sur le comportement de son trader. La meilleure preuve selon le magistrat que la banque n'a rien vu est que les positions prises étaient déjà virtuellement perdantes de deux milliards d'euros courant 2007, et que rien ne s'est alors passé.

Le problème est selon lui "qu'on cherchait l'erreur technique au lieu de chercher la fraude". C'est ainsi que Jérôme Kerviel a pu éteindre une à une les alertes par de simples mails mensongers. Par ailleurs, a rappelé le parquet, "la négligence, même critiquable, de la victime n'en fait ni un complice ni un co-auteur".

Il estime que tous les pare-feux, les lois et les contrôles ne pourront mettre fin à de tels comportements individuels, comme le montrent d'autres affaires récentes, et c'est pourquoi selon lui la peine doit être sévère pour être dissuasive.

De toute manière, fait remarquer le magistrat, il est incongru de se présenter comme adversaire du système financier quand on fut trader. "Les traders ne sont pas extérieurs au système financier, ils en sont le centre. Jérôme Kerviel est un élément plein et entier de ce système".

Quant au mobile du prévenu, l'avocat général a dit d'ailleurs penser qu'il était en rapport avec cet univers d'employés recrutés, a-t-il rappelé, pour "faire gagner toujours plus en misant toujours plus".

"La dimension psychologique de ce dossier en est la clef", a-t-il dit. Il a remarqué que les traders, très jeunes gens intéressés par des "bonus" astronomiques aux gains qu'on leur demande, avaient pour habitude de côtoyer les limites et pouvaient donc perdre toute mesure.

Le comportement de Jérôme Kerviel pourrait être dû, selon lui, à un "complexe d'infériorité" sur les autres traders et à un "besoin de reconnaissance". Pendant tout son réquisitoire, Jérôme Kerviel souriait ironiquement et prenait des notes qu'il faisait passer à son avocat.




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